Contexte
Salut Les Coureurs Motivés,
Aujourd’hui, c’est avec grand plaisir que je partage avec vous l’histoire de Sandra, passionnée de course à pied.
Sandra, c’est une runneuse que j’apprécie beaucoup. Elle avait accepté en 2018 que je l’interviewe à propos de la Sophrologie
Dernièrement, je lui ai proposé de l’interviewer dans un autre contexte. En effet, je tenais à ce qu’elle partage son histoire.
Elle a accepté à nouveau avec plaisir.
L’interview de Sandra
Au travers de cet article, elle va donc partager au grand jour son histoire atypique et sa vision positive de la course à pied.
Sans plus attendre, je vous laisse découvrir l’histoire de Sandra.
Je suis convaincu que vous y découvrirez de nombreux conseils intéressants.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Sandra Maenner Holtz, j’ai 38 ans, je travaille à mon compte au CREPS de Strasbourg et au Centre Médico Sportif Meinau en tant que psychologue, préparatrice mentale et sophrologue. Je partage mon quotidien avec mon mari, qui est également mon coach, ma belle-fille de 15 ans et mon chat 😉
Pour finir, je dirais que je suis très amie avec…mes baskets qui me permettent de faire ce que j’aime : être dehors et bouger !
Quel est ton parcours de runneuse ?
C’est un parcours que je qualifierais de … compliqué !
J’ai commencé la course à pied en avril 2013 pour accompagner ma sœur sur les 10 kms des Courses de Strasbourg. Je venais de rencontrer mon mari, qui était coureur depuis plusieurs années et avait déjà plusieurs marathons à son actif. Il nous a donc naturellement proposé de nous aider à nous préparer à cette première course.
Le détail à mentionner en ce qui me concerne, c’est que j’ai eu un grave accident de roller en 2012, et que je dois depuis composer avec un cartilage sérieusement fissuré au niveau du genou droit. Suite à cet accident, la course à pied (CAP) m’a toujours été contre-indiquée sur le plan médical.
Au départ, j’avais donc très peur d’aggraver l’état de mon genou en courant. Mais en même temps, j’avais envie de relever ce défi avec ma sœur, de la soutenir, et de partager cette aventure avec mon mari. Je me suis donc lancée malgré tout 😉
Nous nous sommes entraînées et nous avons couru ces 10 kms ensemble en 55’06s. Peu de temps après avoir franchi cette ligne d’arrivée, je me suis arrêtée de courir à cause de mes douleurs au genou. Ma soeur, elle, a eu envie d’aller plus loin et s’est inscrite au semi-marathon de Rosheim à l’automne. Son conjoint aurait dû l’accompagner, mais il a eu des soucis de santé et a dû renoncer deux semaines avant. Alors j’ai ressorti mes baskets en cachette et je me suis entraînée avec mon mari durant 15 jours pour savoir si j’étais en capacité de faire la surprise à ma sœur et de l’accompagner sur ce semi-marathon. Pour lui les feux étaient au vert alors je me suis lancée ! Nous avons franchi la ligne avec un immense sourire après 2h01mn09s de plaisir !
A partir de là, j’ai eu envie de retenter l’expérience, de courir pour moi et de voir ce dont j’étais capable avec une vraie préparation. J’ai donc fait appel à un coach pour avoir un plan d’entraînement et je me suis inscrite au semi-marathon de la Wantzenau en mars 2014. Je lui avais dit : « Je veux passer la ligne en 1h50mn avec le sourire. Je ne veux pas souffrir. » Je me suis entraînée seule, par tous les temps, le long du canal de la Bruche, en me mettant beaucoup de pression. Mais au final, j’ai réussi à faire mieux que mon objectif, à savoir 1h46mn00 avec un réel plaisir tout au long de la course et aucune sensation d’être en difficulté.
Après cette course, mon mari m’a proposé de m’entraîner pour le semi-marathon de Strasbourg qui avait lieu en mai. J’ai décidé de lui faire confiance et d’essayer. C’est un magnifique souvenir ! Il m’a proposé un plan d’entraînement « sur mesure », adapté à mon fonctionnement personnel, et il m’a accompagnée jusqu’au 18ème kilomètre. Ensuite, j’ai pu accélérer et passer la ligne en 1h43mns07s. Les trois derniers kilomètres ont été magiques. J’avais l’impression de voler. Je crois qu’aujourd’hui encore je cours pour retrouver ce type de sensations.
La suite ? Nous avons découvert que je m’étais qualifiée pour les championnats de France de semi-marathon. Mais pour y participer, il fallait avoir une licence compétition et être engagée par son club d’appartenance. J’ai donc intégré l’ASPTT en septembre 2014 pour pouvoir vivre cette aventure. Je savais que je serais en fin de peloton mais le parcours passait par le Stade de France à Saint Denis, et je me suis dit que ça valait la peine de faire le déplacement 😊 A partir de là, tout a été nouveau : un club, un coach, des partenaires d’entraînement d’un très bon niveau, un stade, des séances de fractionné deux fois par semaine plus une sortie longue le week-end. Je me suis donnée à 200% à chaque séance, j’étais complètement survoltée. Mon mari m’a mise en garde plusieurs fois en me disant que j’y allais trop fort au regard de ma courte expérience en course à pied, et que je ne tiendrai pas la distance. Je n’avais pas envie de l’écouter. J’ai continué et…je me suis épuisée, à m’en dégouter de la CAP. Selon ce qui est devenu mon expression à force de répétition, j’ai « tapé le mur » pour la première fois (il y en a eu beaucoup d’autres par la suite 😉). Deux semaines avant les championnats de France, je raccrochais mes baskets et j’allais voir mon coach de club en lui disant que j’arrêtais. Il n’a pas compris. A ses yeux ce n’était pas possible d’être aussi fatiguée à cause des entraînements. A un moment il m’a demandé : « Mais comment tu t’entrainais avant de venir ? » Et là on a compris 😊 Oui, on y était allé trop vite, trop fort. Finalement, je me suis reposée et on est quand même allé courir ce semi à Saint Denis. Ce dont je me souviens ? Du stress, beaucoup de stress, et l’impression d’être dans le dur dès les 5 premiers kilomètres ! Vous l’avez compris, la course a été longue ! Heureusement mon mari m’a emmenée du 8ème à la ligne d’arrivée ! Je l’ai passée en 1h41mn43s, je me suis écroulée et j’ai pleuré tout ce que je pouvais. Du soulagement, l’évacuation des tensions liées à l’effort, de la fierté, du bonheur. Bref : ça valait la peine de l’avoir fait !
Après, j’ai remis mes baskets, mais en pointillés. Malgré tout j’avais cette tendance à me mettre trop dans le dur, notamment sur les 10 kms où mon mari m’emmenait toujours dans des allures qui à mon avis étaient trop élevées pour moi. J’essayais de tenir coûte que coûte, et j’en oubliais complètement le plaisir. J’en suis arrivée à avoir peur de cette distance, et à saturer régulièrement. A plusieurs reprises j’ai pensé arrêter définitivement.
A l’hiver 2015, j’ai encouragé mon mari à créer la Eckbo Team. Je voyais bien qu’il était complètement passionné, et qu’il avait envie de partager cette passion. Or, on se disait qu’il y avait déjà dans le secteur des clubs pour les coureurs aguerris et performants, mais rien pour les débutants, et pour ceux qui cherchaient avant tout de la convivialité et une pratique de loisir. En mai 2015, la Eckbo Team est née, avec des rendez-vous réguliers pour courir ensemble le long du canal de la Bruche. Pour ma part, mon loisir principal était alors l’équitation. La course à pied venait bien loin derrière. Puis ma sœur, toujours elle, m’a demandé de l’accompagner dans son nouveau défi : courir le marathon de Strasbourg pour ses 30 ans. Ma réponse ? « Ok ! On fait encore ça ensemble, et après j’arrête. » On a préparé ce marathon ensemble, et on l’a couru. C’est mon mari qui nous avait préparées, pour qu’on passe la ligne avec le sourire. J’ai adoré cette aventure : se préparer ensemble, courir ensemble aussi longtemps que possible, et se retrouver après avec nos médailles et de beaux souvenirs plein la tête. Par contre, pas de coup de cœur pour le marathon de mon côté. On l’avait fait tranquillement, et au final je crois que quand je ne me dépasse pas, ça ne va pas 😉
La suite ? J’ai continué avec la Eckbo Team, mais toujours dans ce « Je t’aime moi non plus » et ces moments où je n’avais plus envie, où je prenais de la distance. On en est arrivé petit à petit à s’entraîner deux fois par semaine au stade d’Hautepierre. J’ai pris goût au fractionné, mais là encore, j’en faisais souvent trop. Alors soit je perdais confiance, soit je saturais, soit je me blessais à cause des répercussions liées à mon cartilage fissuré.
Et puis il y a eu l’automne 2017. J’ai couru le marathon de Münich, pour moi, en 3h35mn40s. J’en suis revenue avec une vraie confiance. Pour la première fois, j’ai eu la sensation de faire un bon temps. A ce moment, plusieurs nouveaux coureurs sont arrivés au club. Ils avaient tous l’esprit de compétition et se donnaient à fond aux entraînements. Avec eux, on a monté un groupe « cross » avec des séances spécifiques. J’étais la seule fille, la « tortue » comme je disais. Et là, c’est parti. Enfin, j’ai vraiment pris plaisir aux entraînements, j’ai eu envie à chaque séance de me dépasser, j’ai accepté la douleur et l’effort parce que ça me plaisait : être un petit groupe soudé qui cherche…la perf ! J’ai découvert que j’adorais ça. J’étais à la rue par rapport à eux au début mais je me lançais sans cesse des défis fous et au fond de moi je me disais que ma place était là, et nulle part ailleurs. Je me disais qu’à force de m’accrocher j’y arriverais. Ils ont tous été adorables : ils m’ont soutenue, poussée, encouragée. Semaine après semaine, je sentais que les efforts payaient, que je progressais. Cette saison de cross a été magique ! A chaque course, l’objectif était pour ma part de ne pas finir dernière. J’étais la seule du club, et je me sentais impressionnée par le niveau des filles. Mais j’avais ma petite équipe de supporters qui était là, et qui m’aidait à me confronter à la difficulté de chaque course. Grâce à ce groupe, j’ai pris conscience de ce que j’aimais dans la course à pied, et je me suis approprié ce sport. J’ai trouvé ma manière de pratiquer, et je l’ai assumée. Oui, je cherche la perf, les chronos. J’aime la vitesse, le plat, le bitume. J’aime ce côté un peu « masculin » des entraînements où tu t’arraches, et les après-courses où on boit une bière en rigolant ! Résultat ? 45’25 sur le 10 de Brumath en novembre 2017 et 20’29 sur le 5 de la Wantzenau en mars 2018 ! Les chiffres parlent tout seuls 😊 A partir de là, tout s’est enchaîné, dans le plaisir et avec le sourire : des podiums auxquels je ne m’attendais pas du tout, des chronos qui descendent même sur ma bête noire du 10 kms, une augmentation progressive du volume d’entraînement et de l’intensité. J’ai appris à savoir ce que je voulais et où j’allais. J’ai appris à construire, à me canaliser. J’ai appris à être à l’écoute de mon corps et de mes envies. J’ai appris à ne plus aller trop loin, à me connecter à tous les éléments positifs, et à rester relâchée la plupart du temps. Tout est devenu clair dans ma tête. Je ne me suis plus jamais blessée, je n’ai plus jamais eu envie d’abandonner la CAP.
Dernièrement, tu as fait la saison des cross et tu es allée jusqu’aux demi-finales des championnats de France. Peux-tu nous en dire plus sur le cross et sur les championnats ?
J’ai déjà parlé un peu du cross dans la question précédente. Pour moi, le cross, c’est tout à fait particulier. C’est une discipline qui te permet de travailler ta vitesse, et ton mental. Parce que le cross, c’est dur. Tu es dans le rouge du début à la fin, sur des terrains accidentés et souvent boueux. Il n’y a rien de confortable. D’autant plus qu’en général, il fait un froid glacial, auquel peuvent se mélanger le vent, la pluie, ou la neige. Mais en même temps, ce sont souvent des parcours en nature, qui permettent de pousser, d’aller vite. Souvent, en cross, je me dis qu’on est là comme des gosses à jouer dans la boue ! Et on s’en fiche d’être dégueu : on a le droit de sauter dans les flaques 😉 Bien sûr, il y a des parcours que je déteste et qui me font pester : les grosses montées et le sable en particulier 😊 Dès qu’on ne peut pas dérouler, ça m’agace, mais en même temps je me dis que ça me fait progresser. Et sur les cross, toutes les difficultés sont compensées par la chaleur humaine : on n’est pas nombreux, on se reconnaît rapidement, on galère ensemble dans des conditions parfois dantesques, on se bagarre pour les places, et au final l’ambiance est quasiment familiale. Être ensemble dans la difficulté, ça crée de la solidarité. Dans le club, je trouve que les liens sont plus forts entre ceux qui ont partagé les cross.
A quoi ressemble ta semaine d’entraînement en ce moment et as-tu des routines ?
Je pense qu’elle est assez classique : VMA courte le mardi sur piste, VMA longue le jeudi sur piste, footing 50 mins à 65% le samedi le long du canal de la Bruche, et travail en endurance le dimanche avec des allures variables et/ou spécifiques.
Quelle est ta séance favorite ?
Je n’ai pas UNE séance favorite, et mes préférences varient selon les périodes de l’année. Mais de façon générale, sur piste, j’adore les séances de 400, de 600, de 800 et de 1000. J’aime aussi les escapades seule en forêt l’été : être dans ma bulle et courir aux sensations. Et puis il y a les séances d’endurance du week-end en petit comité. On peut en profiter pour papoter sans voir les kilomètres défiler, mais aussi pour travailler bien plus que si on avait été seul. Et de temps en temps, on termine avec une bière, un vin chaud ou du thé selon la saison, ce qui ne gâche rien au plaisir 😊
Bien sûr, si tu me demandes ce que je préfère, je vais te dire aussi ce que je déteste : les séances de côtes que je fuis sans cesse pour le regretter parfois en course. Je n’ai AUCUN plaisir dans ce type de travail !
Si un débutant ou une débutante te demandait ton meilleur conseil pour progresser sur 5 ou 10km, que lui conseillerais-tu ?
Aujourd’hui, je crois que je conseillerais à quelqu’un qui débute de sympathiser avec la régularité, la mesure et la patience. Ce sont des qualités qui à mon sens sont fondamentales en course à pied si l’on souhaite progresser. Elles sont toujours récompensées 😊
Qu’est-ce que la course à pied t’a apporté et t’apporte encore aujourd’hui ?
C’est une belle question !
Je commencerais en disant que la course à pied m’apporte énormément de plaisir et qu’elle donne du sens à la vie ! Oui, oui, rien que ça ! 😊 Quand je cours, je me sens vivante, je me sens légère, et j’ai l’impression d’être à ma place, de pouvoir m’exprimer à ma manière. Bref, je me sens heureuse, tout simplement.
Courir, c’est aussi ce qui me permet de me fixer sans cesse de nouveaux objectifs, d’apprendre, de me remettre en question et d’avancer, tout cela à la fois physiquement, mentalement et émotionnellement.
Parce que bien entendu, il y a également un lien avec mon métier de psychologue du sport, de préparatrice mentale et de sophrologue. J’ai énormément de plaisir à accompagner les coureurs, à animer des ateliers de sophrologie qui apportent des outils qui peuvent nous aider à l’entraînement et en compétition. Je dis d’ailleurs souvent à ce sujet que je suis mon premier laboratoire, et c’est passionnant !
Et puis il y a les autres, tous les liens que cela génère. Au travers de la Eckbo Team, notre club, qui est un peu notre famille. Cela fait maintenant 4 ans que nous existons, et chaque semaine on se dit qu’on a de la chance d’avoir une ambiance aussi exceptionnelle ! Nous sommes entourés de gens adorables, dont certains sont devenus de vrais amis ! Il y a aussi les coureurs, les entraîneurs, et les membres d’autres clubs que l’on retrouve chaque semaine sur le stade. On s’encourage toujours, on se soutient, et ça aussi, c’est important ! Et puis il y a les rencontres sur les courses : les coureurs, mais aussi les bénévoles que j’admire et remercie au plus haut point pour tout ce qu’ils nous permettent de vivre, les photographes qui immortalisent les moments forts…
Et sincèrement, je crois que je pourrais encore continuer longtemps autour de cette question, mais c’est bien aussi de ne pas tout dire 😉
Quelle est la plus grande difficulté que tu as rencontrée et comment l’as-tu surmontée ?
Je crois que ma plus grande difficulté a été de faire face aux douleurs liées à la fissure de mon cartilage, et aux avis médicaux négatifs par rapport à ma pratique de la CAP. Au début il y avait beaucoup d’inquiétude. On m’avait clairement signifié à plusieurs reprises que ce sport m’était contre-indiqué. Un médecin du sport que je ne citerai pas m’avait même dit : « Madame, vous ne courrez jamais de marathon. » Alors forcément, j’avais peur d’aggraver les choses. Je courais constamment avec une genouillère et j’avais tendance à lever le pied dès que la douleur s’intensifiait. Et puis un jour j’ai demandé l’avis d’un chirurgien spécialisé dans le genou, avec qui je collabore dans la cadre de mon activité professionnelle, en qui j’ai une entière confiance. A ses yeux, je pouvais courir, mais il était certain que j’aurais toujours mal, en particulier lors des efforts intenses type 5 kms. Cela m’a rassurée. J’ai commencé à accepter la douleur, à faire avec, à la gérer. J’ai appris à écouter mon corps et à faire en sorte de ne jamais aller trop loin dans l’inflammation. Lors de la préparation du marathon de Münich, chaque entraînement était une petite victoire. 60 kms par semaine avec un genou en vrac, c’est vraiment compliqué. Je savais que j’étais sur le fil, mais du début à la fin, j’ai décidé de faire confiance à mon corps, à ce genou. J’ai remplacé la peur par la confiance. J’ai décidé de faire AVEC lui, et plus CONTRE lui. J’ai géré, jour après jour, avec des étirements, des massages, des huiles essentielles, des adaptations à l’entraînement…Et j’ai réussi. Aujourd’hui, je vis avec cette douleur, constamment. Je cours avec la douleur. Mais elle ne me fait plus peur. Elle m’aide à donner le meilleur. Parce que je sais à quel point j’ai de la chance, de pouvoir mettre un pied devant l’autre 😊
Qu’est-ce que tu ferais différemment si tu devais tout recommencer ?
Tu sais quoi ? Rien ! Je ne changerais rien. Parce que toutes mes expériences m’ont fait avancer, progresser, mais surtout grandir. Je n’aurais pas aimé commencer en sachant tout ce que je sais aujourd’hui. J’aime expérimenter, tester, découvrir. Bien sûr, je n’aime pas tomber, mais j’aime me relever et rebondir. La CAP, c’est mon école de la vie. Et dans la vie, on ne peut pas revenir en arrière 😉 On peut juste assumer, et apprendre.
Parmi toutes les compétitions auxquelles tu as participé laquelle as-tu préférée et pourquoi ?
C’est très difficile de répondre à cette question ! Mais au final je crois que les premières images qui me viennent, ce sont celles de mon premier 800 mètres l’année dernière aux championnats du Bas-Rhin. Il faisait un temps splendide, j’arrivais dans un univers complètement nouveau, j’ai adoré les sensations que procurent les pointes sur la piste, et la distance a été un vrai coup de cœur ! Le mélange de vitesse et d’endurance sur un stade est pour moi la recette du cocktail parfait 😊
De quel chrono es-tu la plus fière ?
Je crois que c’est celui du semi-marathon de Strasbourg en 2018. 1h33mn13s. Je voulais courir à 4’24/km en moyenne et c’est exactement ce que j’ai fait. J’avais suivi mon plan d’entraînement à la lettre, sans faire d’excès, sans me disperser. J’avais résisté à l’envie de participer à des courses pendant le plan, j’avais résisté à l’envie de rajouter des séances d’entraînement, et à l’envie d’aller plus vite pendant les entraînements. Je m’étais canalisée pendant des semaines. J’étais au clair avec moi-même, je savais exactement ce que je voulais, et je l’ai fait, sans jamais douter. A l’arrivée j’ai eu cette réelle sensation de récompense, cette impression d’avoir construit mon chrono en étant sérieuse et déterminée pendant des semaines.
Parmi toutes les distances (5, 10, semi, marathon, etc.) laquelle préfères-tu courir et pourquoi ?
Clairement, il y a deux distances que je préfère : le 800 mètres et le semi-marathon.
Le 800 mètres parce que j’adore la piste, et les sensations de vitesse qu’elle procure. Bien sûr, on souffre sur le dernier tour, mais c’est court alors pour ma part j’arrive à l’accepter. Et c’est aussi cette difficulté qui nourrit la fierté qu’on ressent parfois à l’arrivée.
Le semi-marathon, parce que c’est une course qui permet d’avoir une allure relativement soutenue, tout en restant dans le confort.
Sur 800 et semi, j’ai parfois l’impression que je vole, que c’est facile, ce qui ne m’arrive JAMAIS sur 5 et 10 où j’ai la sensation d’être quasi constamment dans la difficulté et de devoir me canaliser sans cesse pour rester positive et relâchée.
Quelle est la plus longue distance que tu as parcourue jusqu’à ce jour et quelle sensation en gardes-tu aujourd’hui ?
Ma plus longue distance, c’est celle du marathon : 42,195 kms. J’en ai couru deux : Strasbourg en 2015 pour accompagner ma sœur dans son défi de courir un marathon pour ses 30 ans, et Münich en 2017, pour moi.
De Münich, il me reste deux moments particuliers : le passage au semi, où j’étais complètement euphorique. Je me sentais légère, j’avais cette sensation que tout était facile, que rien ne pouvait m’arriver. Puis le passage au 38ème, où j’ai dû m’arrêter tellement j’ai eu mal aux quadriceps. C’est une douleur que je ne connaissais pas et qui est apparue brutalement. A ce moment-là, une femme bénévole est venue me demander si je voulais qu’elle appelle les secours. Je l’ai regardée comme si elle me parlait chinois. Dans ma tête il était absolument impossible que je reste là, que je prenne le temps de recevoir des soins. C’est comme si sa proposition m’avait aidée à redevenir lucide, à me reconnecter avec ce que je voulais : passer la ligne et être fière de mon temps. Je suis repartie à la force de mon envie, en criant et en pleurant pendant quelques dizaines de mètres. Puis la douleur s’est estompée, et elle a disparu totalement au dernier kilomètre.
Et au final, ma plus grande joie c’est celle-ci : avoir surmonté seule cette douleur, avoir été capable de repartir et de faire confiance à mon corps jusqu’au bout.
Y a t-il une anecdote amusante ou touchante que tu souhaites partager ?
Il y en a plein des anecdotes ! Toutes sont liées à des moments de solidarité, de partage. S’il fallait en choisir une, alors ce serait la première qui m’a marquée dans ce registre. C’était en 2014, lors de la course des lavoirs à Danne et Quatre Vents. Je participais à cette course pour la première fois, et pour la première fois j’étais en tête de course chez les séniors féminines. A deux kilomètres de l’arrivée, un coureur que je ne connaissais absolument pas a décidé de m’emmener jusqu’à l’arrivée. Au vu de son aisance, il a clairement sacrifié sa course. Il s’est ajusté à mon allure, m’a encouragée, et m’a guidée en m’indiquant à l’avance les virages et les directions. Tout ça pour…rien ! Pour me féliciter à l’arrivée, en toute simplicité. J’ai trouvé cela incroyable à ce moment-là ! Depuis, j’ai vécu d’autres expériences de ce type. Et même si la CAP est d’abord un sport individuel, on y trouve finalement énormément d’entraide et de solidarité, y compris sur la route, sur les cross, et sur la piste 😊
Quel est ton prochain objectif ?
Me rapprocher encore des 42 minutes sur 10.
Quel est ton objectif à plus long terme ?
Le marathon de Lausanne en octobre 2020. Pour mes 40 ans, j’aimerais bien que 2020 rime avec 3h20 😊 Je sais que c’est très ambitieux, mais au final, je sais que le plus important, ce n’est pas d’y arriver mais d’essayer. Et pour trouver l’énergie d’essayer, sur une distance comme le marathon, j’ai besoin de rêver, donc de mettre la barre très haute, quitte à ne pas pouvoir la toucher. Je fonctionne comme ça.
As-tu un message à faire passer à tous les Coureurs Motivés par rapport à ta vision actuelle de la course à pied ?
Avancez petit à petit : une chose après l’autre, de manière progressive, en laissant au corps le temps de s’adapter. Le repos et la récupération font partie intégrante de l’entraînement, et les excès ne payent jamais 😊 Si vous sentez que le plaisir et l’envie s’éloignent : prenez le temps de vous poser, de comprendre ce qui ne va pas et de réajuster.
As-tu quelque chose à ajouter ?
Oh non ! J’en ai déjà bien trop dit 😉
Question
Que ressentez-vous suite à la lecture de cet article ?
Si vous voulez laisser un commentaire à Sandra soyez libre de le faire en bas de cet article. Elle les lira avec grand plaisir et moi aussi.
Le mot de la fin
J’espère vraiment que vous avez apprécié son histoire et que cela vous a permis d’apprendre de nouvelles choses à propos de la course à pied.
J’en profite pour remercier à nouveau Sandra d’avoir pris du temps pour répondre à toutes mes questions et d’avoir partagé son histoire.
Je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures 😉
Avec beaucoup de motivation,
Julien
Bonjour Sandra, j’ai lu ton article avec plaisir et intérêt car il est passionnant. Nous nous connaissons de vue car nous sommes toutes 2 des coureuses et ce monde de la cap est petit même s’il s’agrandit de plus en plus. Si j’adhère totalement à ta philosophie de patience et d’écoute du corps, je suis toutefois surprise qu’à la fois tu dises que tu as appris à vivre avec ta douleur au genoux. J’ai également fait un surentraînement qui m’a obligée à arrêter car je détruisais mon cartilage, ça brûlait même assise à mon poste de travail. Pour ma part, j’estime que l’écoute du corps passe par l’accep d’un arrêt de la cap si tu éprouves des douleurs. Par contre, il y a des sports portés comme la natation ou le vélo qui permettent de palier à ces douleurs et de rester dans la pratique. Je ne savais pas crawler en septembre et par la force des choses je m’y suis mise et à force d’entraînements, je finis même par y prendre goût. Ma saison de cross à moi n’a été rythmée principalement que par des entraînements de natation et pourtant j’étais pas du tout dans la souffrance au cross, je suis même allée jusqu’en demi-finales France à Pfaffenheim mais après c’est très difficile de se qualifier aux Frances. Tout cela pour nuancer un tout petit peu ton avis sur l’accepaction de la douleur car à mon humble avis, le plaisir est difficilement dans la douleur, sauf dans celle de l’effort et là je te rejoins à 100% 💪 Un très grand bravo à toi Sandra pour ton courage et ton obstination à réussir et je pense que tu as encore une très belle marge de progression devant toi 🍀🤞😘
Quel beau parcours Sandra, j’ai eu l’occasion de te voir sur les courses et en lisant ton interview je suis en admiration pour ta volonté et ton obstination à réussir. Moi aussi un spécialiste en 2013 m’avait dit de ne plus courir à cause d’un genou et j’ai continué, parfois la douleur est plus intense mais la passion et le bonheur d’être avec la famille athlétique prend le dessus. J’ai adoré te lire …Bravo à toi et tu auras encore l’occasion de faire de très belles courses, bonne continuation sportive Bises
J’ai vu cette fille pour la première fois il y a un an environ lors d’une soirée organisée par un athlète qui est notre point commun. Sans échanger le moindre mot ce soir là, j’ai été épaté par deux chose: d’abord par son sourire lumineux et puis sa belle complicité avec le gars qui l’accompagnait.
Un peu plus tard, il m’a fallu inventer une histoire (non, je déconne, tout était bien vrai) pour la faire poser devant mon appareil photo; ce n’est que là que j’ai découvert ses yeux ………
Je n’en dirai pas plus, si ce n’est qu’il s’agit là d’un petit joyau de fille comme on en rencontre peu dans une vie. Et pour ceux qui en douteraient encore, allez chausser une paire de basket, coupez votre téléphone, et faites quelques foulées dans un coin de forêt; vous comprendrez tellement de choses … Une grosse bise à Miss Sandra. A bientôt.
Merci à vous, Linda, Marie-Jeanne et Laurent, pour ces adorables retours. Pour apporter un éclairage complémentaire à la remarque judicieuse de Linda, je précise qu’effectivement, il y a quelque chose de paradoxal dans le fait d’affirmer écouter son corps tout en courant en permanence avec une douleur 😉 Toutefois, cette douleur est encore plus forte lorsque je n’ai pas d’activité physique, et elle est présente également à vélo et en nageant la brasse. Mon choix a donc été de faire avec elle, et de la prendre en compte pour qu’elle reste toujours supportable. J’adapte mon entraînement, et je m’étire tous les jours. Mais malgré tout, ma pratique de la CAP reste pleine d’ambivalences et de paradoxes, avec lesquels j’essaie de tricoter au mieux, ce qui, à mon sens, est le lot de chaque être humain au quotidien 😉 Bonne journée à vous et au plaisir de vous croiser bientôt, avec ou sans baskets 🙂 Sandra